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Sgt. Mark Gallgher Vocational School

Larmes de chagrin, larmes de joie. Enseignant à l’école secondaire Woodstock High School, Richard Blaquiere partage les émotions sans complaisance de son court voyage à Haïti.

À partir de l’instant où j’ai entendu parler du cataclysme à Haïti et par la suite de la perte de plus de 230 000 vies, parmi lesquelles se trouvaient plusieurs Canadiens dont le Sgt Mark Gallagher de Woodstock, je n’ai presque plus pensé à autre chose.

Le sacrifice du Sgt Mark Gallagher et celui de sa famille a fait de ce désastre un cas personnel pour moi-même et, bien sûr, pour beaucoup de gens du comté de Carleton.

Quand j’écoutais les nouvelles à chaque jour, les larmes coulaient librement et fréquemment.

J’ai pleuré pour les enfants et j’ai pleuré pour les personnes âgées qui mourraient dans les rues. J’ai pleuré aussi pour le Sgt Gallagher et sa famille.

J’ai pleuré pour un pays qui a, par le passé, été responsable de la production et la distribution de la moitié du café consommé dans le monde et 40 pourcent du sucre utilisé et échangé avec la France et la Grande Bretagne.

J’ai pleuré pour ce pays et ses citoyens régulièrement victimes de la nature et abandonnés par la malveillance et l’incompétence de ses chefs, qui souvent s’inquiètent très peu des besoins de base du peuple et de leur responsabilités en matière de gouvernance civile.

C’est à Haïti qu’a eu lieu la première rébellion d’esclaves qui a connu le succès dans le monde faisant ainsi d’Haïti la première nation de la planète à être gouvernée par des gens de descendance africaine. Haïti était un pays prometteur mais est maintenant handicapé à un point qui dépasse l’imagination de la plupart des batailles et des désastres dont l’histoire a pu être témoin. Pensez à Dresde. Pensez à Hiroshima.

Vanessa, Atillis, hazard heureux

Le 9 avril, l’ancien président de l’Association des enseignantes et des enseignants du Nouveau Brunswick et vice-président actuel de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCEE) et natif du comté de Carleton, Brent Shaw et moi nous sommes envolés pour Port-au-Prince, en Haïti. Il s’agissait d’une mission exploratoire pour notre projet de construire l’École de formation professionnelle en mémoire du Sgt Mark Gallagher.

La FCEE m’avait permis de prendre contact avec Reg Sorel, directeur de l’Association québécoise pour l’avancement des Nations Unies (AQANU), une ONG sans but lucratif opérée par des bénévoles et qui travaille sur place à Haïti avec des partenaires haïtiens et canadiens depuis plus de 35 ans (www.aqanu.org).

L’AQANU avait pris contact avec une congrégation de soeurs, Les Petites Soeurs de Sainte-Thérèse, basée à Rivière Froide et ayant des installations dans 28 communautés d’Haïti.

Leur œuvre incluait la gestion d’un foyer pour femmes âgées et sans ressource, un établissement de soins aux personnes atteintes du sida et une deuxième école à Rivière Froide où 200 enfants avec handicaps intellectuels et physiques étaient nourris et instruits.

Leur école primaire-secondaire qui, dans le passé était un centre éducationnel pour 1 300 enfants, a été complètement détruite et 144 enfants, 4 sœurs et 2 enseignantes laïques y ont perdu la vie. Je parlerai plus des sœurs, des enfants et de l’école, ancienne et future, dans le prochain rapport que je ferai sur mes souvenirs et mes impressions de notre voyage à Haïti.

Au milieu de l’après-midi de vendredi, nous sommes montés à bord de l’avion qui devait nous emmener de Miami à Port-au-Prince. Le vol 816 de l’American Airlines était plein aux trois quarts de volontaires d’ONG, de groupes de Mission chrétienne et d’Haïtiens qui rentraient chez eux.

J’ai pu changer sans problème de siège, celui qui m’avait été assigné ayant un voisin. J’ai pu ainsi m’approcher de Brent.

Juste à côté de moi, il y avait une femme dans la quarantaine portant des vêtements d’hôpital. Elle tenait un beau petit garçon haïtien qui se tortillait dans ses bras. Un autre garçon, un peu plus vieux, était assis à côté d’elle.

J’ai commencé à parler avec elle et découvert qu’elle est cette étonnante femme qui, depuis plusieurs années, a organisé des collectes de fonds et a travaillé avec une organisation chrétienne américaine et des professionnels de la santé haïtiens pour identifier les enfants qui ont besoin de soins médicaux non disponibles à Haïti.

Cette femme, Vanessa Carpenter, amène ensuite les enfants aux États-Unis pour des chirurgies ou de la rééducation physique et, une fois qu’ils sont prêts, les ramènent à Haïti.

Plus de 250 enfants ont ainsi reçu l’amour de Vanessa, et son amour pour les enfants n’a d’égal que son amour pour Dieu. Pour Vanessa, il s’agit d’une même et unique chose : La foi dans l’action.

Ce petit bébé garçon, nommé Atillis, avait une cicatrice qui partait du côté droit, en avant de sa tête, et traversait son cuir chevelu jusqu’en arrière. Il avait été dans le coma un certain temps et on ne croyait pas qu’il vivrait. Mais il était en route vers chez lui pour retrouver ses parents qui avaient survécu au tremblement de terre et qui l’attendaient à l’aéroport.

Le plus vieux des deux garçons, Sylvian, avaient été aux États-Unis depuis l’été dernier après que sa mère ait perdu la vie dans un accident qui a laissé la jambe du garçon dans un tel état qu’on a dû la lui casser et la replacer à plusieurs reprises. Il pouvait maintenant marcher par lui-même en ne boitant que très légèrement.

Vanessa, très fatiguée après quelques minutes de conversation, me passa Atillis de l’autre côté de l’allée pour lui permettre de bouger un peu et de se reposer du mouvement apparemment perpétuel de ce bel enfant.

Je lui ai dit de dormir, ce qu’elle a rapidement fait, ai j’ai tenu ce beau cadeau de Dieu pour le reste du voyage et le passage aux douanes jusqu’à ce que Vanessa soit prête pour le rendre à ses parents, tous les deux présents pour l’évènement.

Plus tôt, toujours à bord du vol AA816 et après que j’aie eu donné la bouteille à Atillis et après qu’il se soit endormi recroquevillé dans mes bras, j’ai parlé à Vanessa du travail incroyable que plusieurs groupes confessionnels, équipes professionnelles de la santé et organisations communautaires faisaient actuellement dans le comté de Carleton, tout en incluant notre travail pour l’école de Rivière Froide.

Je lui ai dit que ce travail était commencé depuis des années et que des personnes telles que Dean Stephenson et Luke et Bonnie Weaver et d’autres encore travaillaient sans relâche sur place à Haïti pour améliorer la vie de misère et de désespoir de tant d’Haïtiens.

Je lui ai parlé des enfants Gray, les premiers à être adoptés au Canada après le tremblement de terre. J’ai partagé avec elle comment toute la communauté a accueilli ces bébés, Djoulie de deux ans, et Darwig de presque un an.

Sont-ils rendus chez eux? Les as-tu vus ? Ils ont fait les manchettes.

Tout le monde pensait à eux et priait pour eux et, quand ils sont finalement arrivés à la maison, une collecte de fonds pour l’orphelinat d’où venaient les enfants a été organisée à l’église United Baptist de Woodstock, domicile spirituel des Gray et de plusieurs centaines de familles locales.

L’église était remplie et la famille Gray nouvellement reconstituée, au milieu de prières et de larmes et de chants de foi et de célébration, a été présentée au monde entier. J’étais assis derrière et j’ai pleuré encore, mais cette fois de joie et de vénération.

Ce qui est arrivé ensuite sur ce vol de Miami à Haïti provoque encore des émotions, que j’ai à fleur de peau depuis mon retour chez moi. On me dit que c’est très fréquent chez ceux qui visitent Haïti.

J’ai dit à Vanessa que les enfants Gray avaient été adoptés de l’Orphelinat des Trois Anges de Port-au-Prince par Michelle et Tim Gray, selon un procédé qui avait débuté longtemps auparavant. Sachant qu’il y a de plus en plus d’orphelinats à Haïti et ne m’attendant pas à ce qu’elle connaisse celui-là en particulier, je lui ai quand même demandé si elle en avait entendu parler.

Et voici comment ce voyage à Haïti a commencé à me transformer. Non seulement en avait-elle entendu parler, mais elle en a été la fondatrice, il y a de cela plusieurs années, élément important de sa mission d’ange à Haïti.

C’était, dans un certain sens, son bébé. Pensez aux chances où cela peut arriver. Moi, Miami, siège aléatoire, bébé garçon, bébés filles, les Gray, Woodstock et Haïti. Un court moment dans le temps, de la convergence; hasard heureux ? Peut-être, mais ce n’était pas l’avis de Vanessa. Je vous laisse décider.

La semaine prochaine, je vais partager avec les lecteurs mes impressions d’un voyage à travers le paysage apocalyptique de Port-au-Prince. Je vais aussi présenter aux lecteurs les étonnantes Petites Sœurs de Sainte-Thérèse.

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